Depuis le 8 septembre, le théâtre des Gémeaux parisiens accueille « Les Frottements du cœur », un seul en scène de et par Katia Ghanty, tiré du livre du même nom paru en 2017. Après une création à Avignon et l’obtention du prix Cultura en 2024, c’est au tour du public parisien d’en découvrir l’histoire basée sur des faits réels de la vie de l’autrice-comédienne.

Clara a 29 ans. Elle a la grippe. Son compagnon est parti en tournée. Ils sont comédiens. Une amie vient lui apporter des médicaments et la trouve inconsciente. A l’hôpital Lariboisière, le verdict tombe : problème grave au cœur, pronostic vital engagé. Il ne lui reste plus qu’à attendre et suivre les préconisations de l’équipe médicale qui va tout faire pour la ramener à la vie…

Katia Ghanty a décidé d’écrire et de raconter un épisode traumatique de son existence. A 29 ans, on ne craint pas pour son cœur. A 29 ans, on ne se retrouve pas branché artificiellement à une machine. A 29 ans, on rit, on boit des verres en terrasse, on croque chaque instant sans se soucier du lendemain. Et pourtant, c’est bel et bien son histoire que la comédienne a choisi de raconter et donc de revivre chaque soir. Par l’utilisation de chorégraphies et par la justesse de ses mots, cette pièce nous fait penser aux « Chatouilles » d’Andréa Bescond (même si le thème est tout à fait différent.) Un tel sujet pour une pièce de théâtre pourrait sembler bien lourd et difficile à aborder. Cependant, il n’en est rien. Par son écriture à la fois drôle, satirique, touchante et vraie, Katia Ghanty réussit la prouesse de faire passer son spectateur du rire aux larmes. Le public reçoit les émotions avec une telle sincérité qu’il en ressort avec, dans le cœur, une envie de vivre pleinement, quels que soient les obstacles. Par sa résilience, Katia Ghanty dépeint son parcours hospitalier avec beaucoup d’humour, sans jamais être caricaturale. Interprétant tous les personnages à la fois, elle les rend plus vrais que nature et cela fait forcément écho à des caractères rencontrés auparavant. Le docteur Vélo, Annabelle, Samia et les autres prennent vie sous nos yeux grâce à un geste, un regard, un mot. On ressent l’énergie de chacun d’entre eux avec tellement de justesse qu’on ne voit pas du tout le temps passer.

En cette période où le personnel hospitalier fait partie des oubliés des différents gouvernements, Katia Ghanty met en lumière ceux qui, par leur présence, leur expertise, leur compassion, aident les patients à supporter le pire, à retrouver espoir. Si quelquefois certaines paroles peuvent échapper aux soignants à cause de la fatigue ou de la banalisation de leur fonction afin de garder une certaine distance, l’autrice insiste sur l’importance du regard bienveillant d’Annabelle, du massage qu’on lui a fait, de la délectation d’un jus d’orange après avoir été alimentée par perfusion, du bonheur de se faire laver les cheveux quand on se sent sali par des journées d’hôpital… Ce sont tous ces petits riens qui semblent anodins qui redonnent de la force, du courage et simplement de l’humanité. Car comment faire pour s’accrocher quand tout semble perdu ? Comment survivre à la simple annonce que la fin est peut-être proche ? Vers qui se tourner quand on n’est plus qu’un cas de plus dans un service de réanimation ? Comment se reconstruire après une telle épreuve ? Peut-on se permettre de se sentir perdu et triste ? Katia Ghanty a décidé de partager son expérience et de rendre hommage à ceux qui ont été là, sans flagornerie, sans mièvrerie. Le spectateur ressent toute la gratitude qu’elle a pour eux mais aussi toutes les défaillances d’un système qui oublie parfois l’humain derrière le patient. C’est tout simplement bouleversant.

La mise en scène d’Eric Bu joue sur la sobriété. Les voilages du fond et les lumières permettent un monologue intérieur fantasmé de Clara, tout en symbolisant les rideaux de l’hôpital. Les musiques accompagnent le texte et les chorégraphies avec gravité, douceur ou légèreté. On se sent transporté tout au long de la pièce dans l’univers de Clara. On s’inquiète, on espère, on palpite avec elle. La voir jouer elle-même son rôle est encore plus admirable car on imagine toute la puissance qu’il faut pour revivre ainsi une telle expérience traumatique.

« Les Frottements du cœur » est un spectacle magistral, parfaitement bien écrit. On en ressort les yeux embués et le cœur rempli. Un hymne à la vie. A découvrir vraiment.

Audrey C.

De et avec : Katia Ghanty

Mise en scène : Éric Bu

Assistante à la mise en scène : Sophie Bouteiller

Lumières : Moïse Hill, assisté de Pierre Mille

Chorégraphie : Florentine Houdinière

Création sonore et musique : Agnès Imbault et Caroline Geryl

Où ? Théâtre des Gémeaux parisiens, 15 rue du retrait, 75020 Paris

Quand ? Jusqu’au 14 mars 2026

Le lundi 19h et le samedi 17h15.

Tarifs : A partir de 16€

Durée : 1h25

https://www.theatredesgemeauxparisiens.com/les-frottements-du-coeur

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