Depuis le 24 septembre, le Studio Marigny accueille « La Corde », une adaptation de la pièce « Rope » de Patrick Hamilton par Lilou Fogli et Julien Lambroschini, mise en scène par Guy-Pierre Couleau. Ce huis clos s’installe à Paris jusqu’à fin décembre pour notre plus grand plaisir.

A la veille de leur déménagement, Louis et Gabriel accueillent chez eux Antoine, leur ancien camarade d’école, qu’ils décident de tuer, sans aucune raison, en faisant le crime parfait. Après y être parvenus, ils le cachent dans un coffre qui servira de table pour un diner auquel ils ont convié Marie, la fiancée d’Antoine, Francis, leur voisin, Mme de Roquemaurel, la mère de Louis, et Emile, leur ancien professeur de philosophie. Au fil des discussions, l’absence d’Antoine crée un trouble parmi les invités et Emile commence à se poser des questions… 

Si le meurtre d’Antoine a lieu dès les premières minutes de la pièce, le spectateur va très rapidement se prendre au jeu de la soirée organisée par les deux protagonistes, Louis et Gabriel. On se retrouve un peu dans leur peau puisque la présence du corps d’Antoine dans la malle en compagnie des invités devient vite une source de délices. En effet, à travers certaines phrases qui pourraient les trahir, certaines questions posées, le public s’interroge sur la possibilité qu’ils remarquent quelque chose. Comment peut-on oser faire la fête à l’endroit même où un meurtre a été commis de sang froid ? Les différents indices laissés apparents ne permettront-ils pas de confondre les assassins ? Quelle noirceur se cache dans ce couple de jeunes intellectuels pour ne pas parler devant la détresse de Marie qui s’inquiète de l’absence de son futur époux ? L’un des convives plus avisé ne va-t-il pas tout comprendre ?

Le spectateur se réjouit de voir l’action avancer, les répliques fuser et les indices se dévoiler alors que les verres s’entrechoquent. Les personnages sont parfaitement présentés et on se retrouve un peu dans une histoire à la Agatha Christie où chaque caractère présent a son importance. On est surpris devant le machiavélisme de Louis, beaucoup plus fier de son action que son compagnon Gabriel qui montre quelques signes de faiblesse. On est touché par l’angoisse de Marie qui n’a aucun moyen pour réussir à contacter Antoine. On rit devant Mme de Roquemaurel qui admire son fils d’un amour inconditionnel, tout en repoussant son compagnon. On adore Francis, le voisin un peu paumé, qui ne comprend pas trop ce qu’il fait là. On se sent proche d’Emile, l’ancien professeur ayant servi en Algérie, qui glane des indices au fil de l’histoire. Ainsi, les personnages se laissent prendre au jeu d’une soirée macabre dont ils sont le jouet. Ils en viennent même à faire semblant d’être des enquêteurs, créant un effet de mise en abyme particulièrement savoureux.

Même si cette pièce est un huis clos et qu’elle se passe dans un appartement prêt pour un déménagement, la mise en scène est particulièrement bien pensée. Des voilages blancs permettent de mettre le voile justement sur la situation, créant des moments de discussion entre les deux meurtriers ou mettant une distance entre le public et les personnages pour cacher certaines actions. Une attention est portée sur la salle où se trouve le téléphone : bien que cachée du public, elle a son importance puisqu’elle fait évoluer l’action pour Marie et qu’elle permet aux autres personnages, en l’absence de celle-ci, d’imaginer la situation du jeu de l’enquête du faux meurtre. Tout cela est particulièrement bien mis en avant par les lumières et les musiques. Par son aspect imposant, le coffre apporte toute une dramaturgie à l’objet, servant à la fois de buffet aux invités que de cercueil. Le spectateur ne peut ôter cela de son esprit une minute et cela fonctionne vraiment bien. On aime également les costumes qui nous plongent dans le Paris élégant des années 50, ce qui confère une certaine gravité à l’action.

Et pourtant, on rit beaucoup. En effet, l’incongruité de la situation, l’horreur de la complicité du public avec les deux meurtriers créent une connivence qui met le spectateur dans une double situation : on aimerait presque qu’ils ne se fassent pas prendre et, en même temps, on se délecte de voir apparaître des indices confondants. Les dialogues sont bien écrits et nous plongent véritablement dans l’action jusqu’au bout.

« La Corde » est une pièce mordante, haletante et drôle, servie par une équipe de comédiens parfaite pour le récit. Il n’y aucun doute que cette comédie saura conquérir le public qui en ressort ravi. Un vrai bon moment de théâtre.  

Audrey C.

D’après la pièce de théâtre “Rope” de Patrick Hamilton

Adaptation : Lilou Fogli et Julien Lambroschini

Mise en scène : Guy-Pierre Couleau

Avec Myriam Boyer, Lucie Boujenah, Audran Cattin, Grégori Derangère, Martin Karmann et Thomas Ribière.

Assistante mise en scène : Anne Poirier-Busson

Scénographie / Costumes : Delphine Brouard

Création lumières : Laurent Schneegans

Musique : David Parienti

OU ? Au Studio Marigny, carré Marigny, 75008 Paris

QUAND ? Jusqu’au 28 décembre 2025

DURÉE : 1h30

TARIFS : de 18€ à 50€

https://www.theatremarigny.fr/evenement/la-corde

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