Depuis le 2 octobre, le Contrescarpe accueille « La Promesse de l’aube », l’adaptation du texte de Romain Gary par Tigran Mekhitarian. Si l’autobiographie de l’auteur a souvent été adaptée notamment au cinéma avec Pierre Niney et Charlotte Gainsbourg en 2017, cette version théâtrale avec trois comédiens promet de belles surprises.
Romain vit avec sa mère, Nina, d’abord à Wilno en Pologne pour finir à Nice en France. Nina va tout faire pour que son fils ait la meilleure éducation et qu’il devienne ambassadeur. Elle lui apprend l’amour de la langue française, qui constituera son caractère. Et surtout elle lui donne un amour inconditionnel qui le portera toute sa vie…
La puissance de cette adaptation repose notamment sur ses trois comédiens. Tigran Mekhitarian incarne Romain Gary avec une tendresse et une émotion communicatives. Son regard est particulièrement touchant. Il donne vie à l’auteur avec beaucoup de vérité et d’ironie parfois sur son parcours. Jouant le rôle de narrateur, il commente la situation en utilisant les mots de l’autobiographie. Le spectateur retrouve alors des formes de passé simple ou subjonctif imparfait dites avec tant de simplicité qu’on en voit davantage la beauté. Cela donne envie de se replonger dans ce récit. A travers ces mots, on retrouve tout l’amour de l’auteur pour sa mère, Nina, incarnée avec brio par Delphine Husté. Celle-ci livre une performance époustouflante, lui permettant de figurer son personnage de jeune adulte à vieille femme. Sans aucun changement de maquillage, elle se transforme sous nos yeux avec tellement de justesse que cela en est impressionnant. Elle rend justice au personnage de la mère qui a tout donné dans sa vie pour permettre un avenir brillant à son fils. A leurs côtés, Léonard Stefanica interprète plusieurs personnages à la fois et accompagne aussi au violon les deux comédiens. Il confère tout ce qu’il y a de plus poétique au texte par sa musique tout en jouant des caractères aussi opposés qu’une cliente venue acheter un chapeau ou qu’un gendarme. Ensemble, ils forment un trio bouleversant qui transporte le spectateur.
Quel destin exceptionnel que celui de Romain Gary ! Ayant grandi en Pologne dans un quartier où l’antisémitisme allait croissant, il n’a pourtant rien de bien différent des autres, si ce n’est la confiance excessive de sa mère en ses talents (même ceux qu’il n’avait pas !). Moquée de tous pour cela, elle affirma néanmoins ses ambitions pour son enfant, ce qui le poussa toute sa vie à croire en ses capacités. Au final, cette œuvre est surtout un vibrant hommage à cette femme qui, à coups de ruses diverses, a réussi à élever son fils de la plus belle des manières pour lui donner confiance en lui et l’entourer de son amour. On est touché par tant d’abnégation, de volonté et de dévotion surtout, ce que les comédiens font parfaitement ressentir.
Cette pièce nous dépeint une époque où les frontières étaient plus fermées que maintenant et où les informations circulaient bien moins vite. Cela rendait possibles les différentes arnaques de Nina pour vendre ses chapeaux comme étant une exclusivité venue de Paris. On découvre également un monde en proie aux haines racistes qui le gangrènent déjà, un monde aux portes de la Seconde Guerre mondiale à laquelle Romain Gary prendra part dans l’aviation, comptant toujours sur le soutien indéfectible de sa mère. Il narre également un monde où la volonté permet de déplacer des montagnes, malgré la méchanceté ambiante.
« La Promesse de l’aube » est une pièce émouvante qui donne foi en la vie, portée par des comédiens bouleversants. Le public en ressort touché par cet hymne à l’amour maternel majestueux. A voir.
Audrey C.
De Romain Gary, adapté et mis en scène par Tigran Mekhitarian
Avec Tigran Mekhitarian, Delphine Husté, Léonard Stefanica
Équipe artistique
Assistante mise en scène : Lucie Baumann
Musique : Léonard Stefanica
avec la participation artistique du Studio l ESCA
OU ? Le Contrescarpe, 5 rue Blainville, 75005 Paris
QUAND ? Jusqu’au 11 janvier 2026
TARIFS : de 28€ à 32€
DURÉE : 1h25
