Depuis le 6 septembre, la Scala accueille « Le Mariage de Figaro ou La folle journée », la pièce de Beaumarchais mise en scène par Léna Bréban avec Philippe Torreton dans le rôle titre. Cette pièce représentée pour la première fois en 1784 alors que grondent les prémices de la Révolution se révèle résolument moderne par les thèmes abordés et par la vision que lui donne la troupe.

Suzanne et Figaro doivent se marier aujourd’hui. La future épouse annonce son inquiétude de se voir obtenir une chambre aussi facile d’accès pour le comte qui souhaiterait bien profiter du droit de cuissage qu’il a pourtant aboli auparavant. Figaro décide donc de se jouer de son illustre maître avec la complicité de la comtesse qui se sent délaissée depuis son mariage…

La première force du « Mariage de Figaro » réside évidemment dans son texte. On ne compte plus les répliques devenues de véritables références de la langue française. Chacun connaît la devise du journal Le Figaro « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur. »  ou encore « il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits ». Tant de phrases qui résonnent un peu à la manière de maximes intégrées à l’inconscient collectif. On ne peut que se délecter d’entendre la langue belle du XVIIIe siècle aussi bien dite par des acteurs qui lui donnent la justesse du ton nécessaire afin qu’ils captent l’attention comme il se doit. 

Par ailleurs, sous les traits d’une comédie, cette pièce dénonce de nombreuses problématiques très modernes. Quand on voit le comte Almaviva, on ne peut que penser à tous ces hommes qui usent et abusent de leur condition sociale contre les femmes avec un aplomb des plus perturbants. A l’heure du post-#Metoo, le public réagit fortement en voyant l’usage des privilèges de la société de l’Ancien Régime qui ne rappelle que trop notre société moderne. En outre, un très beau discours est fait par le personnage de Marceline sur la condition de la femme avec une telle vérité dans ses propos que l’on est saisi de s’imaginer qu’il a été écrit par un homme et au XVIIIe siècle. Le siècle des Lumières portait décidément bien son nom et Beaumarchais en diffusait les idées à travers ses personnages de façon tout à fait judicieuse. On en viendrait même à se dire que la condition humaine aurait vraiment gagné à écouter ces penseurs sur tous les points de vue. 

Le personnage même de Figaro est particulièrement captivant. Ayant été embastillé, ayant fait toutes sortes de métiers dont barbier, ayant été enlevé à ses parents et élevé par des bohémiens, il se retrouve au service du comte dont il a permis le mariage et qui souhaite maintenant convoiter son épouse. On ne peut qu’admirer la force de caractère de ce personnage qui défend ses intérêts bien qu’il ne soit pas puissant. Philippe Torreton lui donne vie avec une force impressionnante qui happe les spectateurs tout au long de la pièce. Son monologue tient le public en haleine qui, chose étonnante au théâtre, l’applaudit à la fin de la réplique. On trouverait presque un écho entre cette scène et la fameuse tirade des « non merci » de « Cyrano de Bergerac », deux personnages fins orateurs et brillants dans leurs actes. 

On ne peut que saluer la troupe qui l’accompagne. Certains reprocheraient l’âge des protagonistes mais cela n’est en aucun cas un sujet puisque l’âge des comédiens s’accorde parfaitement entre eux. Mentions spéciales à Marie Vialle qui présente une Suzanne espiègle et malicieuse et Annie Mercier pour sa Marceline à la voix grave et charismatique. 

La mise en scène utilise savamment le plateau avec des structures de décors utilisant des drapés, des portes, des échelles, le tout déplacé par les comédiens eux-mêmes. Les lumières et les costumes placent la pièce dans une temporalité non définie entre le XVIIIe siècle et nos jours. La musique accompagne l’histoire avec des clins d’œil à notre époque. C’est bien réfléchi, c’est intelligent, c’est beau. 

« Mariage de Figaro » vous fera passer un excellent moment avec un texte riche et des comédiens impressionnants. De quoi faire revivre l’œuvre de Beaumarchais pour le plus grand nombre. Un régal.

Audrey C.

Texte Beaumarchais

Adaptation Léna Bréban 

Mise en scène Léna Bréban 

Avec Philippe Torreton, Marie Vialle, Éric Bougnon en alternance avec Pascal Vannson, Grétel Delattre, Salomé Dienis Meulien, Annie Mercier, Jean-Jacques Moreau, Grégoire Œstermann, Antoine Prud’homme de La Boussinière, Jean Yves Roan

Assistante mise en scène Ambre Reynaud 

Scénographie Emmanuelle Roy 

Costumes Alice Touvet 

Lumières Denis Koransky 

Compositeur Victor Belin 

Perruque Julie Poulain  

Création sonore Victor Belin et Raphael Aucler  

OU ? La Scala, 13 boulevard de Strasbourg, 75010 Paris 

QUAND ? Jusqu’au 4 janvier 2026 

TARIFS : DE 15€ À 56€

DURÉE : 1h50 

https://lascala-paris.fr/programmation/le-mariage-de-figaro

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