
Depuis le 10 septembre, le théâtre Juliette Récamier accueille « Denali », la pièce de Nicolas Le Bricquir aux 4 nominations aux Molières. Après un passage au Studio Marigny puis au Théâtre Marigny et une tournée, la troupe s’installe un mois à Paris afin de faire découvrir ce thriller si original au plus grand nombre. A noter que la pièce a obtenu le prix du polar 2023.
Anchorage, Alaska, 4 juin 2019. Cynthia Hoffman (surnommée Cece), 19 ans, est retrouvée morte, ligotée et bâillonnée, abattue par une balle dans la nuque. Les détectives Jessica Hais et Lenny Torres interrogent successivement Denali Brehmer et Kayden McIntosh, les derniers à l’avoir vue vivante. Au fil de l’enquête, grâce à l’examen de leurs téléphones et grâce à leurs confidences, ils vont peu à peu démêler les fils de cette sordide histoire…
Le moins que l’on puisse dire de « Denali », c’est que l’on n’a jamais vu, à notre connaissance, une telle mise en scène, utilisant des codes très modernes et ancrant l’histoire dans une ambiance presque cinématographique. Sans vouloir trop en dévoiler, cette pièce utilise l’espace scénique de façon particulièrement judicieuse : le coté cour représente la salle d’interrogatoire et le coté jardin (comportant un écran) permet d’évoquer les souvenirs des adolescents sur la nuit du crime et de diffuser des projections, des images de textos ou vidéos prises par les personnages (à la manière de « Big Mother » de Mélody Mourey.) Ajoutez à cela la présence d’un musicien sur le devant du plateau qui accompagne les actions et mêle ses parties jouées à des chansons employées pour faire avancer le récit. Ce musicien devient même un complice du spectateur qu’il accompagne, brisant ainsi le quatrième mur. Aux témoignages faits en direct s’ajoutent des enregistrements en voix off des personnages pour une expérience encore plus immersive. Car, oui, « Denali », c’est une expérience théâtrale dont on ne ressort pas indemne.
Tout part d’un fait divers véritablement sinistre qui met en lumière la dangerosité de l’utilisation des réseaux sociaux par les jeunes. Jusqu’où peut-on se laisser berner quand on n’a pas encore 20 ans ? Comment protéger les adolescents des dérives auxquelles les adultes n’ont pas accès ? Comment libérer la parole ? Quel est le prix d’une vie ? Comment aider les jeunes à différencier la fiction de la réalité quand tout passe par des écrans ? Dans cette histoire, on retrouve surtout des adolescents livrés à eux-mêmes. La mère de Denali n’est présente qu’en dehors du plateau. Seuls les détectives récupèrent la parole des jeunes, au moment où il est déjà trop tard. Et on voit, dans leurs réactions, qu’ils se révoltent contre leur impuissance dans un monde où les ados se bercent d’illusions, rêvent de leur côté à travers des apparences bien trop trompeuses et où l’on pense que demander pardon suffira pour effacer la pire des actions. « Denali » c’est le portrait d’une société où le virtuel a pris la place du réel, avec toutes les complications que cela crée. Aussi, il est très important d’emmener les jeunes générations découvrir cette pièce pour qu’elles en comprennent le message et également les sortir de l’idée que le théâtre est un lieu poussiéreux et ennuyeux.
La pièce est portée par des comédiens, jeunes pour la plupart mais déjà avec une belle expérience de la scène, qui portent le récit avec une justesse et une fraicheur impressionnantes. Le public les suit avec tantôt de la compassion, tantôt du dégoût, tantôt de la tristesse. Ils donnent vie aux personnages avec vérité. C’est haletant, glaçant, bouleversant, intense et pourtant tellement sincère. Le spectateur quitte la salle sans voix et il faut quelques minutes pour pouvoir trouver les mots justes pour en parler.
« Denali » est une pièce à voir et à revoir vraiment. Elle marquera les esprits par son inventivité visuelle et par la force du traitement de son sujet. Ne la manquez sous aucun prétexte ! On a hâte de découvrir « Freedom Club », la nouvelle création de son auteur en octobre…
Audrey C.
Mise en scène et écriture : Nicolas Le Bricquir
Avec Rose Noël, Sarah Cavalli, Caroline Fouilhoux, Marine Barbarit, Romain Bouillaguet, Pierre de Brancion, Tom Boutry
Production : Jean-Marc Dumontet
Assistante à la mise en scène : Charlotte Levy
OU ? Théâtre Juliette Récamier, 3 rue Juliette Récamier, 75007 Paris
QUAND ? Jusqu’au 19 octobre 2025
Du mercredi au dimanche 19h
TARIFS : de 16,50€ à 54€
DURÉE : 1h30