Du 14 juin à ce 2 août, le Théâtre Gaité Rive Gauche a accueilli « La voix d’or », le spectacle d’Eric Bu et Thibaud Houdinière. Après un succès de deux ans au Festival d’Avignon et des représentations au Théâtre actuel La Bruyère, le spectacle revient pour une deuxième saison qui se poursuivra dès le mois d’octobre avec un nouveau casting en alternance. L’occasion pour nous d’aller applaudir cette nouvelle équipe avec beaucoup de plaisir.

Éric est dans l’embarras. Il ne trouve pas de sujet pour sa nouvelle pièce alors que Guillaume, son producteur, vient le voir pour qu’il lui présente son projet. Après quelques discussions, ils se plongent dans l’histoire personnelle de Guillaume, ou plus précisément celle de son grand-père, ancienne vedette de la chanson française d’après-guerre, Charles Gentes, et de sa grand-mère, Christine Vercel… Un voyage à travers le temps, les chansons, les pays…

Ce que l’on aime dans un spectacle musical, c’est quand il nous raconte une histoire, une belle histoire. Et quand il s’agit d’une histoire vraie, c’est encore plus jouissif. Car, en effet, « La voix d’or » ne se contente pas de nous faire revivre les grandes heures de la variété française, elle redonne vie à des interprètes talentueux, aujourd’hui oubliés, Charles Gentes et Christine Vercel, dont l’existence a été si romanesque qu’elle en devient l’objet parfait d’un tel spectacle. Par un jeu de retours en arrière savamment orchestrés, on se balade donc dans la vie de Charles et Christine, celle de leurs parents et de leurs blessures d’enfance. On voyage de l’Egypte aux Etats-Unis en passant bien évidemment par Paris. On traverse les lieux et les époques avec aisance et légèreté pour mieux comprendre les problématiques de chacun, grâce à des changements de costumes parfaitement chronométrés et des projections sur un écran.

Ce spectacle aborde le thème des constellations familiales. On comprend alors que les tourments du passé forgent les individus que nous sommes, même lorsqu’ils sont cachés, tus pour ne pas nous atteindre. Chacun porte en soi les traces des bonheurs et des chagrins de ses parents, de ses grands-parents… On se rend compte que les secrets de famille ne sont que des plaies supplémentaires qui pourraient être évitées pour mieux se comprendre. Car n’est-ce pas ce qu’il faut pour pouvoir vivre ensemble ? Et peut-on tout pardonner? Ainsi, on suit le parcours de Charles et de Christine à travers les yeux de leur fille Brigitte et de leur petit-fils Guillaume, avec beaucoup de bienveillance mais aussi beaucoup de douleur. La passion qui lie ces deux êtres semble trop destructrice pour qu’ils vivent leur amour sans encombres. Et les démons qui les taraudent (la soif de gloire, la mort, la violence…) sont autant d’obstacles à une vie tranquille et joyeuse.

Pour bien raconter une histoire, il faut de bons interprètes. La première troupe s’était brillamment illustrée au Théâtre actuel La Bruyère (avec une nomination aux trophées de la comédie musicale). Il en va de même pour les nouveaux arrivants. En effet, on trouve une belle connivence entre tous les comédiens qui donnent le meilleur d’eux-mêmes tout au long de la pièce, interprétant plusieurs rôles à la fois, chantant, dansant, jouant la comédie. On assiste véritablement à un spectacle complet exécuté avec réussite par cette nouvelle équipe. Chacun d’entre eux apporte sa personnalité aux personnages avec émotion et sensibilité. Ils nous font passer du rire aux larmes en quelques secondes avec tant d’aisance. Laurent Arcaro nous présente un Charles entre force et fragilité, rongé par la violence. Prisca Demarez nous touche en Christine par sa sincérité de jeu, par sa voix toujours aussi bouleversante et par son magnétisme. C’est comme si le rôle avait été écrit pour elle. Charlie Fargialla (qui jouait Alfred dans la première distribution) est un Éric rempli d’humour, de second degré et de passion. Stéphane Roux nous emporte avec lui en Guillaume par son cynisme, sa puissance comique, son énergie. Gaëlle Pauly est une Brigitte pleine de fraîcheur, de tendresse et de douceur. Benjy Rouire nous donne à voir un Alfred drôle, polyvalent (bravo pour le numéro de claquettes !), émouvant.

Un casting parfait qu’il faut vraiment découvrir pour les voir interpréter les standards de la chanson française (Aznavour, Brel, Piaf, Trenet, Brassens, Montand, en passant par Dario Moreno et Dalida). Mêlant créations originales et grands airs du répertoire, le spectacle nous entraîne dans un voyage musical des plus agréables et on redécouvre des morceaux parfois oubliés qui nous montrent la richesse du patrimoine musical français. On se surprend à fredonner quelques titres avec les artistes (« Pigalle », « Alexandrie Alexandra »), à se laisser porter par leurs envolées vocales (« Quand on n’a que l’amour », « La Bohème »), à écouter autrement les paroles de certains titres (« Parce que », « Il n’y a pas d’amour heureux »)… C’est d’autant plus percutant que les musiques sont interprétées par un musicien en live, Nima Santonja, qui accompagne les artistes avec beaucoup de talent.

La mise en scène d’Éric Bu est au service de l’histoire et joue sur un rythme effréné, ce qui permet au public de se sentir impliqué dans le récit. Chorégraphies, changements de costumes à la vue du spectateur, projections, utilisation judicieuse des éléments de decor… Tout est fait pour rendre hommage au propos et pour nous faire passer un merveilleux moment.

« La voix d’or » est un spectacle dynamique, émouvant, sincère et intelligent, servi par une distribution énergique et vibrante. Venez vous replonger dans les chansons d’après-guerre avec cette belle équipe qui revient en octobre ! Un spectacle à ne pas manquer.

Audrey C.

Auteurs : Eric Bu, Thibaud Houdinière

Metteur en scène : Eric Bu

Avec :

Charles : Gregory Benchenafi ou Arnaud Denissel ou Laurent Arcaro

Christine : Sandrine Seubille ou Prisca Demarez

Alfred : Benjy Rouire ou Charlie Fargialla

Brigitte : Elodie Menant ou Gaëlle Pauly

Eric : Etienne Launay ou Stéphane Giletta ou Charlie Fargialla

Guillaume : Stéphane Roux

Musicien : Stéphane Isidore ou Julien Mouchel ou Nima Santonja

Où ? Au Théâtre Gaîté Rive Gauche, 6 rue de la Gaîté, Paris 14e.  

Quand ? Du 6 octobre 2025 au 27 janvier 2026

Durée : 1h30

Tarifs : de 28€ à 50€

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