Depuis le 18 janvier, le Théâtre Tristan Bernard accueille « Numéro Deux  », l’adaptation par Léonard PRAIN du roman de David FOENKINOS paru en 2016. Accompagné de Sophie ACCARD à la mise en scène (comme pour « Vole Eddie, Vole ! » qui nous avait séduits en 2024), l’auteur fait le pari audacieux de faire vivre cette histoire sur les planches. Saluée par la critique, cette pièce conquiert déjà le public parisien.  

Martin Hill vit une existence paisible en Angleterre jusqu’au divorce de ses parents. Ensuite, tout bascule : sa mère part vivre en France, son père, inventeur raté, apprend qu’il est atteint d’un cancer et, au milieu de tout cela, Martin fait la navette avec l’Eurostar tous les week-ends. Mais, étonnamment, ce n’est pas cela qui va bouleverser sa vie. En 1999, il croise le futur producteur de « Harry Potter, à l’école des sorciers ». Celui-ci le repère et lui propose de jouer le rôle titre du film. Or, un certain Daniel Radcliffe est lui aussi sur les rangs et on lui trouve « un petit truc en plus ». Martin ne sera pas choisi. Sa vie va alors devenir invivable…

Le spectacle prend appui sur le récit d’Harry Potter mais il n’est pas nécessaire de le connaître pour s’y intéresser. Certes, l’histoire regorge de clins d’œil au jeune sorcier, que ce soit le miroir du Rised, le balai, la musique, les images d’archives diffusées dans un téléviseur d’époque… Le spectateur « Potterhead » (amateur d’Harry Potter) se retrouvera facilement dans les références placées de façon subtile tout au long de l’histoire. 

Mais la pièce aborde surtout le thème de l’échec, du droit à la deuxième chance, de la difficulté à vivre lorsque l’on a toujours été un « numéro deux ». Le personnage de Martin entre dans cette histoire de façon innocente, avec l’aide de son père, sans avoir jamais véritablement rêvé de cela auparavant. En effet, les journées de tournage auprès de son père accessoiriste lui ont toujours semblées trop longues. Et pourtant, lorsque la chance semble lui sourire à dix ans, un âge où les désillusions sont de véritables cataclysmes, Martin veut y croire. D’abord pour lui, évidemment, parce qu’il s’amuse à imaginer une vie plus joyeuse où il deviendrait populaire dans la cour de récrée. Mais aussi pour son père, parce qu’il y croit et que ses rêves de cinéma se bornaient jusque là à la réparation d’une poignée de porte dans un « James Bond ». 

C’est à un réel partage entre le père et le fils que nous assistons notamment lorsqu’ils préparent une audition dans cette scène touchante où les comédiens imitent les personnages de « Harry Potter ». En n’obtenant pas ce rôle, Martin perd une partie de son enfance, ce qui est accentué par le décès de son père qui arrive après. Tout cela le pousse à une dépression qui l’empêchera de vivre serein pendant plusieurs années. Car nos échecs nous forgent, évidemment, mais lorsqu’ils sont vécus si jeunes et que l’objet de cet échec est devant nos yeux constamment, cela devient quasiment impossible à supporter. Le récit évoque donc l’importance de l’accompagnement des enfants ou plutôt de toute personne ayant besoin d’un soutien pour avoir cru en quelque chose. On oublie très souvent que les difficultés font partie de la vie et on néglige l’importance de la santé mentale. Et pourtant, quel que soit le problème, il est nécessaire d’apprendre à se reconstruire afin de vivre sans.

Léonard PRAIN nous présente une adaptation particulièrement réussie du roman de David FOENKINOS. Si la première partie du livre nous avait tenus en haleine à l’époque, les difficultés de Martin se multipliaient davantage dans la deuxième et en perdaient un peu de leur saveur. Avec cette nouvelle vision de l’histoire, l’écriture joue davantage sur le rythme et le dynamisme de l’action, sans en trahir l’esprit. Cela rend les différents épisodes beaucoup plus percutants pour le spectateur. L’idée de créer un suspense sur la fin du récit dès les premières minutes fonctionne réellement. On se laisse prendre au jeu grâce aux musiques, aux lumières, aux changements rapides de personnages grâce aux costumes (les comédiens interprétant plusieurs rôles), à l’utilisation de la fumée, à l’immersion dans les années 1990 – 2000. Les éléments du décor participent de cette force d’adaptation. On notera notamment l’évolution du téléphone entre le début et la fin de l’histoire. Avec simplement cinq comédiens au plateau, la pièce met en scène de nombreux personnages (notamment Hugo, le fils du compagnon de la mère de Martin, dont l’arrivée a créé des rires dans la salle). On rit, on est ému, on profite d’un moment suspendu.

Les comédiens s’amusent, s’impliquent avec une grande sincérité et nous embarquent pleinement. Leur travail est remarquable. On est heureux de retrouver des artistes aguerris comme Pierre BÉNÉZIT, que nous avions adoré dans « Edmond » ou « Saint-Exupéry. Le Mystère de l’aviateur », Axel AURIANT, qui dévoile encore plus son talent que dans « Une vie sur mesure », ou encore Valentine REVEL-MOUROZ, brillante dans « La Course des géants ». On découvre avec bonheur l’hilarant Serge DA SILVA, notamment dans son rôle de présentateur télé. Chacun apporte son énergie et sa puissance dramatique à l’histoire. 

« Numéro deux  » est une pièce dynamique et vibrante sur l’acceptation des difficultés de la vie, avec des comédiens et une mise à la hauteur de l’histoire. A voir, que vous soyez fans d’Harry Potter ou pas !…  

Audrey C.

De : David FOENKINOS

Adaptation : Léonard PRAIN

Mise en scène : Sophie ACCARD

Avec : Axel AURIANT, Pierre BÉNÉZIT, Serge DA SILVA, Valentine REVEL-MOUROZ

Musique : CASCADEUR

Scénographie : Blandine VIEILLOT

Lumière : Simon CORNEVIN

Costumes : ATOSSA

Durée : 1h30

Quand ? : Du 18 janvier au 29 mars 2025

: Au Théâtre Tristan Bernard

64 Rue du Rocher

75008 Paris

Du mardi au samedi

à 16h, 19h ou 21h selon les jours

(calendrier disponible sur la page réservations)

Tarifs : de 11€ à 40€

Chronique publiée le 13 février 2025 sur La rue du bac

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