Depuis le 24 janvier, le Théâtre Saint Georges accueille « Orgueil et préjugés… ou presque ! »  », l’adaptation moderne du roman de Jane Austen avec cinq comédiennes au plateau et une musicienne. Si cette œuvre a connu plusieurs versions,  notamment au cinéma, cette vision théâtrale ne pourra que surprendre et réjouir. 

L’histoire se passe au XIXe siècle. Mrs Bennett cherche à faire marier ses cinq filles. Lorsque le riche Mr Bingley s’installe non loin de chez elles et organise un bal, elle met tous ses espoirs en sa fille Jane qui tombe en effet sous le charme du jeune homme. De son côté, Elizabeth rencontre Mr Darcy, l’ami de Mr Bingley, qui aussitôt l’agace par son attitude froide…

A travers cette pièce, Virginie HOCQ et Jean-Marc VICTOR jouent sur un décalage entre l’histoire et la juste dose d’anachronismes qui permet au spectateur d’être surpris. En effet, le spectacle commence par un numéro chanté de toutes les actrices avec leur guitariste et met en lumière celles auxquelles on ne donne pas la parole dans les romans du XIXe siècle : les domestiques. Et pourtant, on sait à quel point leur présence est au cœur des intrigues qui s’y déroulent. Ainsi, le récit sera tantôt celui des femmes et des hommes de la bonne société que celui de leurs servantes qui observent tout cela d’un œil amusé. Celles-ci n’hésiteront pas à donner leur point de vue, avec le recul du XXIe siècle, afin de montrer la façon dont la société a changé depuis. 

Autre tour de force de cette version : la présence de cinq femmes au plateau. Ensemble,  elles vont interpréter tous les rôles, par des changements de tenue, que ce soit pour jouer des femmes de la haute société, des servantes ou même des hommes. On est ébloui par la facilité avec laquelle elles passent d’une émotion à l’autre, avec toujours cette pointe d’autodérision qui rend la pièce si vivante. On rit devant le flegme de Mr Darcy, on s’amuse face au séducteur Wickham, on aime la force féministe d’Elizabeth, on s’esclaffe avec Mrs Bennett. Chaque personnage a sa personnalité qui est particulièrement bien interprétée par les comédiennes, celles-ci apportant toute leur énergie et leur dynamisme pour les incarner. On y croit et on a envie de les suivre. Le spectateur se retrouve dans un tourbillon de personnages plus vrais que nature.

La musique joue un rôle très important dans cette mise en scène. La présence d’une guitariste chanteuse, en plus des cinq comédiennes qui chantent de façon régulière dans la pièce, est un véritable atout. Placée sur un côté de la scène, près du public, elle ponctue les différents épisodes, accompagne les différents passages. Cela anime parfaitement la pièce. Les titres interprétés vont de « All by myself » à « Fuck you » en passant par « A kind of magic » dans des versions aux paroles réarrangées à l’histoire. On est véritablement dans du théâtre musical où chaque morceau fait avancer le récit grâce notamment à l’utilisation anachronique du karaoké dans le bal. Les chansons choisies apportent du rythme et de l’énergie au récit. On est loin de la vision académique d’un roman du XIXe siècle et ça fonctionne véritablement.

L’histoire met en lumière une société en prise aux préjugés de classe. Dans cette adaptation, on met en avant les dysfonctionnements d’un monde qui enferme les femmes dans un carcan où elles ne peuvent pas vivre libres. Chacune des filles Bennett représente une part de la société : Elizabeth observe la situation avec le recul d’une femme intelligente qui réfléchit sur ce qui l’entoure, Jane se montre plus fleur bleue, Lydia est la jeune fille fougueuse éprise de liberté, Georgiana est celle que l’on cache un peu pour lui éviter les moqueries, Kitty est plus sage. Mrs Bennet représente ces femmes du XIXe siècle obligées de tenir une maison face aux obligations et sans aucun réel droit.  

Cette mise en scène fait également un clin d’œil à l’amour sous toutes ses formes avec Charlotte, la meilleure amie de Jane, éprise de celle-ci. C’est subtil mais c’est bien amené et cela apporte du poids sur la critique d’une société où l’on devait entrer dans un moule pour les apparences, le mariage étant la seule finalité d’une femme pour conserver ses biens.

La mise en scène de Johanna BOYÉ est particulièrement dynamique. Elle utilise pleinement le théâtre, que ce soit par des arrivées des personnages dans le public, la présence de la guitariste dans une loge et l’espace du plateau bien partagé. Avec quelques décors (une méridienne, un fond noir avec un micro, un lustre, un balai…), des costumes permettant habilement de distinguer les différentes classes sociales, le spectateur est plongé dans un univers différent, entre l’Angleterre de Jane Austen et la France de 2025. Les lumières apportent également leur touche de magie. Le public se retrouve transporté ailleurs. On adore notamment la petite scène de karaoké, l’escalier dont descend Wickham, les voiles en fond de scène qui cachent certains personnages comme Collins. 

« Orgueil et préjugés… ou presque ! » est une pièce joyeuse, brillante et intelligente, servie par des actrices et une musicienne formidables. Une adaptation à voir et à revoir !

Audrey C.

Titre original : « Pride and Prejudice (sort of) »
De : Isobel MCARTHUR

Librement adapté du roman de Jane AUSTEN « Orgueil et Préjugés »

Adaptation française : Virginie HOCQ et Jean-Marc VICTOR

Mise en scène : Johanna BOYÉ (assistée de Stéphanie FROELIGER)

Avec : Emmanuelle BOUGEROL, Lucie BRUNET, Céline ESPERIN, Magali
GENOUD, Agnès PAT’, et Melody LINHART à la guitare.

Scénographie : Caroline MEXME


Lumières : Cyril MANETTA

Costumes : Marion REBMANN

Perruques : Julie POULAIN

Musique : Mehdi BOURAYOU

Chorégraphies : Johan NUS

Durée : 1h30

Quand ? : Du 24 janvier au 29 mars 2025

: Au Théâtre Saint Georges

51 Rue Saint-Georges 75009 Paris

du mercredi au samedi à 21h, le dimanche à 17h

Tarifs : de 10€ à 52€

Chronique publiée sur La rue du bac le 13/02/2025

Articles recommandés