
Depuis le 30 janvier, la compagnie des Fouillons revient à la Folie Théâtre pour son nouveau spectacle « Rencontre avec Snowden ». Après la reprise très réussie de Cyrano de Bergerac mettant en valeur le personnage de Roxane, la troupe change de registre et nous présente une pièce plus contemporaine et percutante sur le lanceur d’alerte, Edward Snowden…
6 juin 2017, la journaliste française Florence Vasseur rencontre Edward Snowden en exil à Moscou afin de retracer son parcours pour son documentaire « Meeting Snowden ». Ensemble, ils vont revenir là où leurs vies, sans le savoir, basculera : le 11 septembre 2001 à New York. Un jour qui les marquera à jamais et les poussera à se dépasser comme pour s’excuser d’être vivants quand tant de vies ont été fauchées. Leur combat commun les poussera à des voyages et des prises de position importantes. Sans s’en rendre compte, ils vont tous les deux œuvrer pour un monde meilleur.
Avec cette pièce, la compagnie des Fouillons entre dans les failles d’un monde qui a été bouleversé par des catastrophes indélébiles. Comment vivre serein lorsque l’on a vu mourir des centaines de personnes sous nos yeux ? Comment ne peut-on pas ressentir le syndrome du survivant ? Y a-t-il des solutions pour essayer de mieux vivre après ça ? Florence ou Edward ont choisi, à leur manière de s’engager l’une pour aider à reconstruire un pays en guerre, l’autre en devenant soldat. Mais, très vite, ils vont se retrouver face aux nouveaux défauts du système. Peut-on vraiment aider en s’impliquant ? Le monde n’est-il pas gangréné de l’intérieur ? N’utilise-t-on pas les forces en puissance de façon à manipuler le peuple plus facilement afin de faire croire à un avenir meilleur ?
En effet, nos personnages s’impliquent, s’investissent dans leur chair, dans leur travail, dans leurs émotions, pour faire évoluer la situation. Ils refusent de dire non face à une situation qui ne leur convient pas. Malgré cela, ils font face à des obstacles, des personnages qui les empêchent d’avancer. L’auteur, Sylvain Bastonero, met en valeur la difficulté d’un monde en mouvement qui ferme les yeux sur la vérité et empêche ceux qui le souhaitent de parler. La métaphore de l’homme qui chute des tours jumelles est bouleversante. On constate la force de conviction des personnages comme Flore et Edward qui risquent leurs vies pour en sauver d’autres.
Dans cette pièce, certains comédiens interprètent plusieurs rôles à la fois afin de mimer justement ce mouvement qui les emprisonne. Cela rend la mise en scène dynamique et percutante. Les changements de costumes permettent aux comédiens de passer d’un personnage à l’autre avec beaucoup d’aisance. Les comédiens apportent toute leur sincérité et leur énergie pour faire vivre les personnages. On est touché notamment par le personnage de Lindsay, épouse de Snowden, qui fait preuve d’une grande abnégation.
Sur le plateau, un écran en fond de scène diffuse des images d’archives, sur les attentats du 11 septembre notamment ou sur divers lanceurs d’alerte. Cela ancre l’histoire dans le réel. On revoit ainsi plusieurs fois la chute de celui qui a été appelé « The Falling Man » par les journaux de l’époque.
Plusieurs cubes sont également disposés sur le plateau. Ils sont bougés par les comédiens pour insister sur l’état d’esprit des personnages au moment de l’action. Des mots en anglais y sont inscrits comme FIGHT, HOPE… Le cube se retrouve également dans la présence du Rubik’s cube, symbole de logique, de désordre aussi bien intérieur qu’extérieur. Le monde n’est-il pas dans un dangereux Rubik’s cube dont nous serions les éléments, tournés et retournés par une société qui nous broie ?
« Rencontre avec Snowden » est une pièce à message politique fort, servie par une troupe pleine d’énergie et de dynamisme. Une pièce importante dans notre société.
Audrey C.
COMPAGNIE : Les Fouillons
MISE EN SCENE : SYLVAIN BASTONERO AVEC : CELYA HUMANN, ALEXIS TRAN, THOMAS COSTER ET CYRIELLE BUQUET
DECORS : PHIL KUZCO
AVEC : LE SOUTIEN DE FLORE VASSEUR
Où ? À la folie Théâtre, 6, rue de la Folie Méricourt, 75011 Paris
QUAND ? Du 30 janvier au 5 avril 2025
Durée : 90 minutes
Chronique publiée le 07/02/2025 sur La rue du Bac