Depuis le 4 décembre, le Théâtre des Béliers Parisiens accueille « Une sale histoire », pièce inspirée de la nouvelle du même titre de Dostoïevski. Après un succès à Avignon, la troupe a élu domicile à Paris pour quelques représentations exceptionnelles.

Yvan Pralin dirige une des entreprises de son père qui lui met la pression pour qu’il réponde aux exigences attendues par son poste. Dehors, la colère gronde et le peuple se révolte dans un mouvement de grève qui ne cesse de s’amplifier. Yvan fait tout pour contenter son père mais il finit par se perdre et ne pas atteindre les objectifs fixés.

Très ancrée dans la critique sociétale, cette pièce met en valeur l’extrême modernité de l’écriture de Dostoïevski, adapté ici par Benjamin Brenière qui incarne également Yvan. Le spectacle prend son temps pour insister sur les rouages d’une mécanique qui enferme salariés comme dirigeants dans un tourbillon infernal, avec notamment l’utilisation judicieuse du miroir dans lequel Yvan ne peut se regarder. Le personnage d’Yvan se retrouve complètement happé par des convenances, des règles qu’on lui impose pour se conformer à ce que la société attend de lui. A la manière du début du « Truman Show », il répète les mêmes gestes, les mêmes phrases, qui ne sont que des propos soufflés par son directeur de père. Il ne semble pas penser par lui-même  et, lorsqu’il le fait, c’est avec maladresse qu’il part vers des échecs. Lorsqu’il se trouve remplacé à son poste, il se rêve homme politique au discours bien placé, capable de soulever les foules. On montre ainsi un personnage en proie à un dilemme entre ses aspirations réelles et ses obligations. La pièce pose la question de la quête de sa propre identité. Comment se défait-on de l’image que l’on veut de nous ? Ne faut-il pas s’affranchir des convenances pour se retrouver soi-même ?

La mise en scène de Julie Cavanna utilise l’espace de façon très judicieuse. Le plateau est d’abord séparé en trois espaces : la maison d’Yvan, sa voiture / la station de radio, son entreprise. Des rideaux de bureau s’ouvrent et se ferment en fonction du propos, permettant de créer un nouvel espace avec la salle de mariage. Les lumières participent également à la belle utilisation du plateau. Les comédiens sont parfaitement dirigés. Si Benjamin Brenière conserve le costume d’Yvan tout au long de la pièce, les autres incarnent tous différents personnages, ce qui apporte une dynamique à l’histoire. On est heureux de retrouver Matyas Simon, qui continue de briller régulièrement dans « La Machine de Turing ».

« Une sale histoire » est une pièce qui fera réfléchir en cette période où les foules reprennent la parole.

Audrey C.

De Benjamin Brenière
Mise en scène de Julie Cavanna
Avec
: Benjamin Brenière, Leïlani Lemmet, Matyas Simon, Guy Vouillot

Assistante mise en scène : Joy Belmont
Costumes : Coline Ploquin
Scénographie : Caroline Mexme
Lumières : Moïse Hill
Musique : Raphaël Sanchez
Chorégraphie Johan Nus
Vidéos et Photo : Romain Redler

Où ? Au Théâtre des Béliers parisiens

QUAND ? Du 1er au 29 décembre 2024

DUREE : 1h20

Chronique publiée le 05/12/2024 sur La rue du bac

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