
Depuis le 8 janvier, le Théâtre des Gémeaux parisiens accueille « Les Caprices de Marianne », la célèbre pièce d’Alfred de Musset dans une adaptation de Philippe Calvario. Créée en 2024 à la Comédie de Picardie, cette mise en scène reprend le texte de l’auteur romantique sous un jour plus tragique que comique, ce qui lui confère une forme de gravité.
Le jeune Cœlio meurt d’amour pour Marianne, épouse du juge Claudio. Il demande l’aide d’Octave, cousin bon-vivant et libertin de Claudio, pour essayer de conquérir sa belle, qui se refuse à ses avances, ne connaissant pas Cœlio. Cependant, au fur et à mesure de l’histoire, Marianne va se révolter contre son mari qui la garde bien cachée chez elle et prêter une oreille attentive aux propos d’Octave, qui finissent par la charmer. Octave va se retrouver piégé par son propre piège… Loyauté, fidélité, vérité… des valeurs qui seront remises en cause par ce récit.
A travers cette pièce, plusieurs visions du monde se côtoient. Cœlio est le héros romantique par excellence, sombre, triste par amour, cherchant à conquérir sa belle par tous les moyens, portant des vêtements noirs et prêt à mourir au moindre refus de celle qui a pris son cœur.
Marianne est une femme de son temps, qui souhaite rester fidèle à son mari parce que c’est ce qu’on lui a enseigné mais qui ne se laisse pas non plus dominer lorsque celui-ci se comporte en despote envers elle. On voit un personnage en proie à des tourments qui la dépassent et qui la torturent. Elle évolue tout au long de la pièce jusqu’à se laisser aller à écouter son cœur mais cela lui causera bien des malheurs. L’écriture qui est faite d’elle est davantage culpabilisante car elle est vue du côté masculin de la situation, qui renie les plaisirs et les joies accordés à l’amour.
Octave est le personnage libertin, présenté comme profitant de la vie et des femmes. Il prend davantage de profondeur au fil de l’histoire par sa loyauté envers Cœlio, même s’il est séduit lui-même par Marianne. Il reste sur sa ligne de conduite, ce qui montre tout de même l’importance des valeurs dans cette pièce. Il s’en veut cruellement à la fin du récit. Pourtant, il aura tout fait pour amener le bonheur à son ami et s’oublier personnellement. On pense évidemment au personnage de Cyrano qui aime Roxane secrètement et aide Christian à la séduire.
La mise en scène joue sur les espaces. Le spectacle se trouve dans tous les lieux du théâtre : plateau, public, hauteurs. Grâce à la structure du décor, les personnages vont et viennent dans des lieux différents, se cachent, s’élèvent également. On assiste à une pièce qui mélange aspect classique et modernité (dans le bar ou les costumes), comme hors du temps. Cœlio et Octave prennent de la hauteur physiquement comme pour mieux comprendre la situation, comme pour la mettre à distance et garder leurs esprits. Marianne se retrouve comme enfermée dans une situation qu’elle ne maitrise pas, à le manière de cette jalousie où elle apparaît à la fin de la pièce. Le spectateur est plongé dans une histoire qui l’enveloppe pleinement et qui ne lui laisse aucun répit, comme un signe de tragédie.
Les acteurs excellent dans leurs rôles. On est ébloui par le magnétisme de Zoé Adjani, la force de Philippe Calvario, la tristesse de Mikaël Mittelstadt, la jalousie de Christof Veillon, l’exubérance de Delphine Rich et la perfidie de Hameza El Omari. Chacun est parfaitement à sa place et permet au spectateur d’entrer dans cet univers particulier
« Les Caprices de Marianne » est une pièce à redécouvrir, servie par des acteurs à la hauteur du mythe.
Audrey C.
De : Alfred de Musset
Adaptation et mise en scène : Philippe Calvario
Avec : Zoé Adjani, Philippe Calvario, Mikaël Mittelstadt en alternance avec Pierre Hurel (les 9 et 23 janvier 2025), Hameza El Omari, Delphine Rich, Christof Veillon
Collaboration artistique : Sophie Tellier
Scénographie : Roland Fontaine
Costumes : Aurore Popineau
Création musicale : Christian Kiappe
Création lumière : Christian Pinaud
Régie générale : Sébastien Alves
Administrateur de la cie : Daniel Rouland
Dramaturgie : Modestine Pelle
Où ? Au Théâtre Des Gémeaux Parisiens
Quand ? Du 8.01.25 au 30.03.25
Du mercredi au samedi à 19h et Le dimanche à 15h
Tarifs : 14€
Durée : 1h20
Chronique publiée le 27/01/2025 sur La rue du bac.