Depuis le 11 septembre, le théâtre de La Huchette accueille « La Fleur au fusil », un seul en scène de et par Lionel Cecilio, mis en scène par Jean-Philippe Daguerre (qui vient d’obtenir le Molière de la mise en scène pour le très réussi « Du Charbon dans les veines », actuellement au Théâtre du Palais Royal.) Après une création à Avignon, Paris peut enfin découvrir le vibrant hommage de l’auteur à la Révolution des Œillets au Portugal, près de 50 ans après.
Un jeune homme rend visite à sa grand-mère, Céleste. Il est désespéré de ne pas trouver de réel sens à ce qu’il fait dans ses chroniques radio. Céleste tâche de lui donner un peu d’espoir en lui racontant les obstacles qu’elle a rencontrés lors de la Révolution des Œillets au Portugal le 25 avril 1974. Elle va ainsi lui narrer les combats dans la résistance de son frère Chico et le soulèvement dans l’armée de son compagnon Zé. A travers les yeux de sa grand-mère, un petit-fils découvre donc la formidable aventure d’un peuple qui s’est opposé de façon pacifiste à la dictature.
Ce qui frappe en premier lieu dans cette pièce c‘est l’amour qui accompagne chacun des personnages. L’amour filial du petit-fils et de sa grand-mère, l’amour fraternel entre Chico et Céleste, l’amour puissant entre Céleste et Zé, l’amour de la liberté, l’amour de la nation. Derrière cette révolution pour vaincre le régime totalitaire le plus long de l’Histoire, on découvre des caractères pleins de passion, de volonté et de détermination. C’est l’amour qui les porte afin d’aller au bout de leurs actions, quelles qu’en soient les difficultés.
On parle peu de cette journée où un peuple et une armée se sont unis pour devenir une démocratie. Et pourtant, il y a tant à dire. Voir une armée prendre le pouvoir, refuser l’ordre autoritaire établi, organiser clandestinement en France une rébellion… C’est véritablement passionnant. Le public découvre le rôle important de la France dans cette action. Des milliers de Portugais étaient acceptés sur le territoire français pour reconstruire le pays. Cependant, ils fuyaient un endroit où les droits des hommes et encore plus des femmes étaient restreints. Cela donne lieu à des scènes très touchantes comme celle de l’arrivée de Chico à Paris. On a du mal à s’imaginer que de telles restrictions existaient encore en Europe il y a 50 ans. C’est pourquoi il revient au devoir de mémoire de rendre hommage à ceux qui se sont battus pour organiser cette révolte. Le public suit ce récit avec avidité, prenant plaisir à en apprendre davantage.
Lionel Cecilio crève littéralement la scène par son interprétation très juste et par la palette variée et vraie de ses personnages. L’histoire se centre sur trois axes narratifs : celui de Céleste (qui représente le peuple), de Zé (qui incarne l’armée) et de Chico (qui symbolise la résistance). Cependant, on se laisse porter par la présence des autres caractères peints avec autant de justesse : le militaire qui arrête Céleste, la parisienne que rencontre Chico, le patron de bar… Lionel Cecilio leur donne vie avec habileté et aisance. Il est à la fois touchant, dur, injuste, drôle, fort, déterminé… Le spectateur passe par toutes ces émotions et en ressort séduit.
Ajoutons à cela l’utilisation de paroles et de chansons en portugais qui ancrent le récit dans la vérité. Ils apportent une touche poétique et vibrante à l’histoire. La mise en scène de Jean-Philippe Daguerre joue sur la sensibilité et la sobriété. Au plateau, un homme et une chaise suffisent à créer tout un monde dans notre imaginaire. C’est fort, c’est vrai, c’est captivant.
« La Fleur au fusil » est un seul en scène de très grande qualité qui rend hommage à ceux qui ont osé se lever contre une dictature abusive. Lionel Cecilio nous emporte avec lui, attise notre curiosité afin de vouloir nous procurer le texte de la pièce qui développe encore plus certaines scènes. Un spectacle à découvrir.
Audrey C.
De et avec : Lionel Cecilio
Mise en scène : Jean-Philippe DAGUERRE
Lumières : Moïse Hill
Régie : Yves THUILLIER
Où ? Théâtre de La Huchette, 23 rue de La Huchette, 75005 Paris
Quand ? Jusqu’au 18 novembre 2025
Mardi, Jeudi, Vendredi, Samedi 21h
Tarifs : 28,99€
Durée : 1h15
